Toute personne fréquentant la montagne, été comme hiver, a déjà vu passer au-dessus de sa tête un hélicoptère du secours en montagne. On s’interroge alors : « D’où vient-il ? Qui sont ces secouristes ? Comment sont-ils prévenus ? Où emmènent-ils la victime… ? ». Pour répondre à ces questions, voici un aperçu du secours en montagne en France.
Comment fonctionne le secours en montagne en France ?
Aujourd’hui, selon les départements français, interviennent deux ou trois corps de métiers de secouristes, CRS, PGHM et pompiers, soit en mixité soit en alternance. Le secours en montagne en France est reconnu comme étant un des meilleurs au monde par la qualité de formations et de compétences de ses secouristes.
Rapide retour en arrière sur les deux événements-clé dont découle l’organisation actuelle :
– Le premier reste l’épopée tragique de Vincendon et Henry sur le mont Blanc, deux jeunes alpinistes pris dans le mauvais temps pendant leur ascension en décembre 1957, et dont la tentative de sauvetage fut un long fiasco… Ceci mit en évidence la nécessité d’une meilleure organisation. Avant cet évènement, les secours en montagne étaient encore à l’ère du bénévolat, assurés par des civils, guides et alpinistes passionnés, avec l’aide des montagnards du coin, des pompiers des communes locales, et de quelques spécialistes de la Police nationale (des Compagnies Républicaines de Sécurité – CRS montagne) appelés en renfort. Après le sauvetage de Vincendon et Henry, la circulaire de 1958, relative à la mise en œuvre du secours en montagne, confia celui-ci aux moyens de l’État, à savoir gendarmes et CRS.
Cette organisation perdura quelques décennies, et l’exclusivité actuelle du PGHM sur le massif du Mont-Blanc reste une sorte d’héritage de cette époque.
– Le second événement est l’évolution qui a conduit les sapeurs-pompiers à passer du niveau communal au niveau départemental, et à disposer alors de moyens humains et matériels plus conséquents leur permettant de devenir, à partir de 2000, acteurs du secours en montagne.
Afin de mettre un peu d’ordre, la circulaire Kihl du 6 juin 2011, signée du ministre de l’Intérieur, et qui abroge celle de 1958, s’adresse aux trois entités avec pour objectif de redéfinir l’organisation du secours en montagne, désormais aux mains de ces trois acteurs, selon des modalités définies dans le plan de secours de chaque département.
Unicité, alternance ou mixité
Les trois unités de secours en montagne se répartissent sur l’ensemble des massifs montagneux du territoire national. Dans chaque département de montagne, le préfet établit une « Disposition Spécifique – Organisation de la réponse de Sécurité civile », qui comporte un Plan de secours en montagne où sont définies les prérogatives de chaque acteur. Et il y a trois fonctionnements possibles. Les Unités de secours en montagne présentes dans le département travaillent ainsi soit en alternance (comme en Isère où s’alternent une semaine sur deux le PGHM et la CRS Alpes), soit en mixité (par exemple en Haute-Savoie, où les secours en montagne sont assurés par des équipes composées d’un gendarme et d’un pompier) soit en unicité (exemple du massif du Mont-Blanc où le PGHM intervient seul). Plus rarement, certains départements où les trois acteurs du secours sont présents combinent plusieurs fonctionnements.
Et les hélicoptères ?
Aujourd’hui, la majorité des interventions de secours en montagne sont héliportées et médicalisées, ce qui permet une prise en charge rapide des victimes. Il existe pour cela une flotte d’État, composée d’hélicoptères avec pilotes et mécaniciens de la Sécurité civile (couleurs rouge et jaune, appelé « Dragon »), et de la Gendarmerie (couleur bleue, appelé « Choucas »). Mais ces moyens aériens ne sont pas exclusivement dédiés au secours en montagne. Ainsi, ceux de la Gendarmerie effectuent également des missions de police, de sécurité publique, etc., tandis que ceux de la Sécurité civile peuvent intervenir sur des transports sanitaires, des feux de forêt…
LE 112
Le 112 est aujourd’hui le numéro d’urgence unique européen. Il permet au CTA-CODIS (Centre de Traitement de l’Alerte – Centre Opérationnel Départemental d’Incendie et de Secours) de localiser automatiquement l’appelant. Il faut préciser tout de suite qu’il s’agit d’un secours en montagne, et indiquer :
OÙ ? Lieu précis / Coordonnées si possible
QUI ? Identité de l’appelant / N° de téléphone
QUOI ? Le type d’accident
COMBIEN ? Nombre de blessés / Personnes sur place
QUAND ? Heure de l’accident
MÉTÉO ? Visibilité / Vent / Obstacles d’atterrissage pour l’hélicoptère si besoin.
L’avalanché
« Un homme part tôt le matin faire une randonnée à ski au Grand Som, dans le massif de Chartreuse, pour être rentré à 11 h pour une sortie en famille avec ses enfants et son père. Il ne prend pas son DVA (Détecteur de Victimes d’Avalanche), pensant que c’est inutile vu qu’il est seul. Mais à midi, son père donne l’alerte car il n’a aucune nouvelle de lui. L’hélicoptère rentre justement de secours et se dirige vers le Grand Som. En parallèle, un couple de randonneurs en raquettes à neige traverse le bas de la zone d’avalanche qui semble toute fraîche. Ils voient des traces de sang. Etant chasseur, l’un d’eux pense à un animal enseveli sous l’avalanche et commence à creuser dans la neige à l’aide de ses raquettes. Mais il découvre un bras tendu et une tête d’homme ensanglanté… Choqué il hurle et appelle les secours. Nous entendons l’appel dans la radio de l’hélicoptère et comprenons que c’est aussi au Grand Som. Nous faisons le rapprochement, c’est le même accident… Ayant à peine raccroché, le randonneur voit arriver l’hélicoptère ! La victime sortie de la neige, le médecin annonce que sa température est très basse, il a beaucoup de plaies et est inconscient. Dès que nous le mobilisons pour l’emporter, il fait un arrêt cardiaque… C’est le principal risque avec les grands hypothermes. On attaque un massage cardiaque, qui va durer 40 minutes car le brouillard monte et nous voilà sans visibilité, l’hélicoptère ne peut donc plus revenir… Enfin on aperçoit une trouée dans le ciel et l’hélicoptère arrive in extremis à nous extraire. Direction l’hôpital de Grenoble. Le pronostic vital est engagé, les médecins font une circulation extra-corporelle, mais le bilan n’est pas bon. La victime portait une montre connectée sur laquelle est enregistré tout son itinéraire, ses horaires, etc… et on découvre ainsi qu’il a fait une chute de 15 mètres de haut et qu’il est resté plus de 6 heures sous l’avalanche ! Quand on sait qu’en général au bout de 15 minutes les chances de survie diminuent de manière exponentielle, c’est déjà un miracle qu’il soit encore en vie ! Nous comprendrons ensuite qu’il a réussi à se créer une cheminée d’air au-dessus de son visage en brassant et tapant la neige avec son poing pendant un long moment… Finalement, dès le lendemain matin, son père appelle les secours pour dire que son fils va mieux. Malgré un œdème à la tête, un coude cassé et beaucoup de plaies, il est sorti d’affaire ! Quelques temps après, en guise de remerciement, ce miraculé invite au restaurant les secouristes et le couple de randonneurs qui l’avait trouvé. L’histoire dit même qu’il a ensuite été dans les finishers de l’UT4M, un sacré rétablissement !
Se met alors en place une « conférence tripartite » entre les secouristes, le CODIS et le SAMU pour analyser la situation et convenir collégialement des moyens à mettre en œuvre (humains, aériens, terrestres, médicaux, etc). Ensuite, vous n’avez plus qu’à patienter, ils arrivent bientôt… !
Comment devenir secouriste en montagne ?
Secouriste en montagne de la CRS Alpes / Pyrénées
Il y a des secouristes en montagne chez les CRS. L’effectif est même d’environ 200 gardiens et une dizaine officiers. Pour cela, il faut passer par le CNEAS (Centre National d’Entraînement à l’Alpinisme et au Ski) des CRS à Chamonix, qui est la plus ancienne école de sauvetage en montagne en France. Pour intégrer la formation montagne des CRS, il faut d’abord être policier. À l’issue de deux années (École de Police puis un an de titularisation), un gardien de la paix peut candidater. Depuis peu, les guides et aspirants-guides peuvent rentrer au secours en montagne sans faire une année d’école de titularisation. Les tests de sélection durent une semaine (dénivelés, terrain varié, escalade, ski…) et servent à repérer des profils intéressants, que le CNEAS va ensuite former pour les amener au meilleur niveau. Pour valider le premier niveau de formation, celui d’équipier-secouriste, il faut suivre environ 5 mois de stage pour acquérir les fondamentaux de l’alpinisme d’été, de la progression en spéléo et en canyon, les bases du secourisme, puis environ 2 mois de formation hiver (ski technique, sécurité, ski de rando). S’ajoutent quelques jours sur les aspects judiciaires de l’enquête en montagne, car la CRS Alpes / Pyrénées est également compétente sur l’action de police judiciaire.
Les équipiers ont ensuite 5 ans pour devenir chef d’équipe. À nouveau environ 3 mois de formation feront d’eux des chefs de caravane de secours en montagne de sécurité intérieure (titre commun avec la gendarmerie), autonomes en progression et à même de gérer un secours, été comme hiver, dans sa globalité.
Secouriste en montagne du PGHM
Le CNISAG (Centre National d’Instruction de Ski et Alpinisme de la Gendarmerie) à Chamonix est le centre de formation d’environ 300 secouristes en montagne du PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne) des Alpes et des Pyrénées, et dans les PGM (Peloton de Gendarmerie de Montagne) qui couvrent les massifs des Vosges, du Jura, et du Massif central. À savoir, les personnels des PGM et PGHM sont interchangeables et peuvent passer d’une unité à l’autre au cours de leur carrière. Pour devenir secouriste en montagne chez les gendarmes, il faut déjà être gendarme, titulaire du diplôme de Premiers Secours en Équipe et du diplôme de qualification technique montagne, une formation de base été/hiver d’une quinzaine de semaines. On peut alors se présenter aux épreuves de sélection. Presque 1 mois comportant des tests techniques (escalade, glace, terrain varié) et des sorties en montagne permettent d’évaluer les capacités, l’autonomie, l’esprit d’équipe et de cohésion, les aptitudes psychologiques… Sur une quarantaine de candidats, une dizaine sont retenus pour intégrer le cursus, soit plus de 2 mois de formation au CNISAG.
Depuis quelques d’années, comme chez les CRS Montagne, le recrutement est ouvert aux professionnels (guides, aspirants-guides et moniteurs de ski). Ils doivent néanmoins réussir le concours externe de sous-officier et effectuer 8 à 12 mois d’École. Une fois gendarme, un test d’évaluation spécifique permet de rejoindre les bancs du CNISAG pour 10 semaines de formation au « secours en montagne ».
Le piège
« Un père et son fils de 10 ans, accompagnés d’un ami adulte, font du ski à la station de l’Alpe d’Huez. Etant attendus au restaurant pour le déjeuner, ils coupent entre deux pistes pour arriver plus vite, le copain devant, suivi du père et puis du fils. Sans le voir, ils passent par-dessus un petit canyon sous lequel coule une rivière, recouvert par une couche de neige. Le premier traverse, le deuxième aussi, mais la couche de neige cède brutalement au passage du dernier skieur, le fils… C’est la chute ! Le diamètre du trou à la surface fait environ 150 cm, mais la profondeur est d’au moins 4 mètres. L’enfant est tombé dans l’eau profonde et très froide, et il peine à garder la tête hors de l’eau. Son père essaie de lui tendre ses bâtons, mais c’est trop profond. Désespéré, le père saute dans la vasque pour éviter que son fils ne se noie. Les voilà tous les deux pris au piège, impossible de remonter… L’ami, assistant à la scène, décide d’appeler à l’aide et téléphone à la station. Le service des pistes envoie immédiatement deux pisteurs sur place et contacte le poste de secours en montagne situé à l’altiport de l’Alpe d’Huez, 400 mètres en-dessous du lieu de l’accident. Les secouristes en montagne de la CRS Alpes, Lionel et David, sautent dans leur combinaison étanche et montent dans l’hélicoptère déjà prêt à décoller. Lionel raconte la suite : « Le pilote nous dépose au bord du trou, les pisteurs viennent d’arriver. Avec leur aide, je descends en rappel dans le trou. La vasque fait environ 4 mètres de diamètre et 2 mètres de profondeur, mais les bords enneigés et fragiles du trou rendent impossible la remontée sur corde. Je reste en tension sur la corde et j’arrive à prendre l’enfant dans mes bras. Je crie au père de s’accrocher à mon bras car je sens qu’il est en train de perdre pied et de s’enfoncer après avoir tenu à bout de bras son fils pendant 10 minutes. Son fils étant pris en charge par une autre personne, il est en train de lâcher prise et j’ai peur qu’il se noie rapidement dans cette eau glacée… Par chance, j’ai une radio étanche. Je demande au pilote de l’hélicoptère de tenter de nous treuiller. Ce dernier se met alors en stationnaire au-dessus du trou et il envoie le treuil. Je passe alors la sangle du treuil autour des bras de l’enfant et l’hélicoptère le treuille directement au poste de secours. Là, le médecin et les autres secouristes le déshabillent et le massent pour le réchauffer. De mon côté, je suis toujours dans l’eau avec le père qui me dit : « Mon fils est sauvé, je peux me laisser aller, j’ai trop froid, je peux partir… ». Je redouble d’efforts pour le maintenir, mais il est lourd avec ses habits trempés et ses chaussures de ski aux pieds. Après plus de 15 minutes dans l’eau gelée, il commence à perdre conscience… Heureusement l’hélicoptère revient à ce moment-là et nous renvoie le treuil pour nous extraire tous les deux. Il était temps ! Le médecin au poste de secours nous confie qu’à une minute près, l’hypothermie aurait été irréversible… Ils sont ensuite transférés au CHU de Grenoble pour plus d’examens et de soins. Ouf, cela finit bien, mais tout s’est joué à une minute près ! Dès le lendemain, le père et son fils, accompagnés de leur famille et ami, reviennent au poste de secours de l’Alpe d’Huez pour offrir une caisse de champagne, tellement reconnaissants ! «
Secouriste en montagne des sapeurs-pompiers
On peut aussi devenir secouriste en montagne lorsque l’on est pompier. La spécialité est accessible aux professionnels comme aux volontaires. Cela représente environ 3 mois de formation pour un professionnel, et autour d’1 mois pour un volontaire. Pour intégrer le GMSP (Groupe Montagne des Sapeurs-Pompiers), le candidat se présente à une journée de sélection (épreuves d’escalade, de dénivelé, terrain varié, ski et glace dans certains départements) qui déterminera s’il est apte à suivre le cursus. Une dizaine de jours de formation suivra avec l’équipe opérationnelle, complétée d’entraînements personnels afin de pouvoir se présenter, 6 mois à 2 ans plus tard selon les capacités du secouriste, au stage suivant : 2 semaines de formation en rochers, axées sur la progression et les techniques de secours. En fonction des risques de son secteur d’intervention, il passe ensuite une ou plusieurs spécialisations : canyon (1 semaine), milieu enneigé (1 semaine), glace (1 semaine).
L’échelon suivant, au bout de quelques années comme équipier, est celui de chef d’unité, pour lequel le sapeur-pompier doit avoir le grade de sous-officier. Les diplômes sont délivrés par la Sécurité civile (ministère de l’Intérieur). A savoir, la spécialité secours en montagne chez les pompiers n’existe que dans les départements comportant des zones… de montagne (elles-mêmes arrêtées par le Préfet). Si vous avez un accident en escalade, en rando, en canyon, etc., mais que vous êtes dans les Calanques, les gorges du Tarn ou le Caroux, par exemple, où il n’y a pas d’unités de secours en montagne, ce sont les pompiers du GRIMP (Groupe d’Intervention en Milieu Périlleux) qui viendront vous secourir.
Texte par Sylvaine Chatain (ANCEF), avec la participation de Lionel, secouriste en montagne à la CRS des Alpes.
Pourquoi s’assurer en montagne ?
Texte inspiré de l’article de Régis Cahn sur le site web Ski Randonnée Nordique.
« En France, tous les secours sont gratuits, c’est bien connu, mais… ! »
Oui mais, c’est vrai en ce qui concerne les secours publics, c’est-à-dire ceux organisés par le PGHM, les CRS ou encore le groupement montagne des sapeurs-pompiers. Mais est-ce toujours ces secouristes qui viennent en aide aux blessés en montagne ? En hiver par exemple, les interventions de ces derniers ne représentent qu’environ un dixième de l’ensemble des interventions, les autres étant effectuées essentiellement sur les domaines skiables. Celles-ci sont menées par les pisteurs secouristes, et sont payantes. La loi n°2002-276 du 27 février 2002 permet d’ailleurs aux communes de fixer elles-mêmes les tarifs de secours, et d’exiger aux personnes secourues une participation aux frais de l’intervention. On parle alors en moyenne de 500 € l’intervention pour aller jusqu’à 1000 € en hors-piste, si ce n’est plus… L’intervention d’un hélicoptère peut en outre faire littéralement exploser la facture ! Si l’hélicoptère de la sécurité civile ou du PGHM est gratuit, des compagnies aériennes privées assurent aussi beaucoup d’interventions, avec un coût moyen de 30 € la minute. Cela laisse à réfléchir…
La priorité est donc de partir bien préparé. Etudier l’itinéraire avant le départ ainsi que la météo, indiquer ces informations avec l’horaire estimé de retour à un proche, respecter l’itinéraire, rester en groupe, partir bien équipé et savoir renoncer en cas de nécessité sont autant de réflexes qu’il convient d’adopter pour éviter les situations périlleuses. L’objectif est d’éviter au maximum l’accident, mais une glissade, même chez les plus expérimentés d’entre nous, peut vite arriver. Et ce n’est pas une fois la jambe cassée, en attendant l’hélico, qu’il faut se demander si on est bien assuré !
En conclusion, lors de vos sports de nature et loisirs de plein air, il vaut mieux être assurés ! Si vous cherchez une assurance efficace dans le domaine, assurez-vous avec la carte Passeport Montagne : à partir de 20 € par an et par adulte, valable dans le monde entier.
Et retrouvez l’article dans la revue Présence Nordique n°57